I)-INTRODUCTION, GENERALITES
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une prolifération monoclonale maligne de lymphocytes morphologiquement matures appartenant à la lignée B dans 95 % des cas. On la classe parmi les syndromes lymphoprolifératifs, à l'intérieur desquels elle se distingue par la morphologie parfaitement mature de ses cellules.
Comme toutes les leucémies, son point de départ est médullaire avec colonisation secondaire du sang et des organes lymphoïdes. Classiquement, c'est une maladie du sujet âgé de plus de 50 ans, d'évolution indolente. Elle ne se voit jamais chez l'enfant. Dix pour cent des cas surviennent avant 40 ans avec une agressivité habituellement supérieure à la forme du sujet âgé.
L'incidence de la LLC reste mal évaluée, en raison de son caractère peu agressif chez la majorité des patients. Aux Etats-Unis, on l'évalue à 10 000 nouveaux cas par an. Elle représente 25% des leucémies. Une évolutivité variable, corrélée à l'importance de la masse tumorale et de l'insuffisance médullaire est à l'origine du polymorphisme de la maladie. Les classifications à usage clinique sont devenues essentielles pour évaluer le pronostic, ainsi que pour la prise en charge thérapeutique.
II)-DIAGNOSTIC POSITIF
Circonstances de découverte :
TDD : typiquement chez un adulte de plus de 50 ans
- Un hémogramme systématique (45%) ou motivé par une asthénie ou une infection (30%) est la cause principale de diagnostic.
- Parfois, la découverte d'adénopathies et/ou d'une splénomégalie (30%) ou la survenue d'une complication auto-immune sont les symptômes révélateurs.
Le diagnostic est suspecté sur l'examen clinique et l'hémogramme
L'examen Clinique : recherche les atteintes les plus fréquentes :
- une hyperleucocytose, avec hyperlymphocytose (lymphocytes > 4000 / mm3 pendant 3 mois consécutifs ou > 15000/mm3 d’emblée). Ces lymphocytes sont matures, et ne peuvent être distingués des lymphocytes normaux.
- La présence de nombreux noyaux lysés ou "ombres de Gumprecht" est fréquente.
- Dans certains cas, un nombre variable de prolymphocytes ou de centrocytes peut être observé.
- Thrombopénie, anémie ou plus rarement neutropénie sont inconstantes et de mauvais pronostic. Ces cytopénies peuvent être causées soit par l'envahissement médullaire, soit par une auto-immunité, plus rarement par un hypersplénisme.
NB : Le myélogramme est historiquement la plus ancienne méthode permettant de porter le diagnostic. La moelle est riche et infiltrée par des lymphocytes d’aspect mature, identiques à ceux du sang circulant. Ils représentent au moins 20% de la cellularité médullaire.
L’étude de l’immunophénotype des lymphocytes du sang périphérique est d’utilisation plus récente et sa diffusion reste encore limitée par la possession d’un Cytomètre de flux :
- Des immunoglobulines de surface (Igs) sont habituellement détectées, mais avec une faible intensité de fluorescence. L'expression d'une seule chaîne lourde et d'une seule chaîne légère témoigne de la nature B et de la monoclonalité de la prolifération.
- La positivité des marqueurs pan-B lymphocytaires CD19 et CD20 est constante.
- L'antigène CD5 est exprimé dans 90 % des cas de LLC de la lignée B. CD5 marque l'ensemble de la lignée T, mais il est également retrouvé sur une sous-population B physiologique présente en quantité importante dans la rate et les ganglions du fœtus. Néanmoins, chez l'adulte, ce type cellulaire dont dériverait le clone leucémique n'est qu'un contingent de lymphocytes B minoritaire du sang et des amygdales. Le diagnostic de LLC repose sur la présence à la fois d’un marqueurs pan-leucocytaire B (CD19 ou CD 20) et du marqueur CD5. Lorsque le clone leucémique n’est pas important, seul un double marquage permet de mettre en évidence le caractère anormal de la prolifération, en raison du marquage physiologique de la lignée normale B par CD19 ou CD20 et de la population T par le CD5. La lignée T, détectée également par la positivité du CD2 ou du CD3, est quantitativement normale ou augmentée, mais ne fait pas partie de la prolifération leucémique.
- Les lymphocytes de la LLC sont habituellement CD23+. L’étude de cet antigène est importante pour le diagnostic différentiel avec le lymphome du manteau qui est CD23-.
- Les antigènes CD10-, FMC7-/+, CD79b-/+,
- L’augmentation dans le sérum de la fraction soluble du récepteur CD23.
Marqueur Résultats
1 0
Intensité Ig de surface faible modérée ou élevée
CD 5 positif négatif
CD 23 positif négatif
FMC7 négatif positif
mCD22 faible/négatif modéré/fort
CD79b négatif positif
III)-DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Une hyperlymphocytose chronique chez le sujet âgé, avec ou sans masse tumorale, est en règle générale maligne. La présentation clinique et l'aspect cytologique éliminent :
1- le lymphome du manteau : c'est un lymphome de bas grade, qui a longtemps été confondu avec la LLC. La présentation clinique est souvent identique à celle d'une la LLC dont l'évolution est agressive, avec apparition d'adénopathies, d'une splénomégalie et d'une hyperlymphocytose croissante. La faible sensibilité aux traitements par chimiothérapie est habituelle. Son pronostic est plus mauvais que la LLC. Son diagnostic repose sur la cytologie qui retrouve typiquement des lymphocytes clivées ou centrocytes (inconstant), un immuno-phénotype différent de celui de la LLC (CD5+, pan B+ (CD19+, CD20+), comme la LLC mais CD23-). L'étude du caryotype des lymphocytes tumoraux retrouve fréquemment une translocation acquise t(11;14). Ce remaniement chromosomique juxtapose le gène de la cycline D1 (ou gène Bcl-1), situé sur le chromosome 11, impliqué dans le cycle cellulaire, et un gène de chaîne lourde des immunoglobulines, situé sur le chromosome 14. Le promoteur du gène des immunoglobulines provoque une transcription exagérée du gène Bcl-1 et un emballement de la mitose.
2- la leucémie prolymphocytaire ou leucémie de Galton : qui associe,
-Altération de l'état général, volumineuse splénomégalie
-Hyperlymphocytose supérieure à 100 000/mm3, constituée presque exclusivement de lymphocytes immatures appelés prolymphocytes.
-Le pronostic est sombre avec une médiane de survie de l'ordre de 2 ans.
3- la leucémie à tricholeucocytes : s'accompagne rarement d'une hyperlymphocytose, constituée de lymphocytes atypiques (chevelus). Elle est habituellement plutôt responsable d'une insuffisance médullaire associée à une splénomégalie.
4- Divers lymphomes malins non hodgkiniens de bas grade ou de haut grade peuvent présenter une phase leucémique, grevant généralement le pronostic. Le diagnostic est cytologique (lymphomes folliculaires, lymphomes T épidermotropes, lymphomes à grandes cellules ...).
5- Chez l'enfant ou l'adulte jeune, une hyperlymphocytose doit faire évoquer avant tout une virose.
IV)-FORMES CLINIQUES
V)- LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Le degré d'insuffisance médullaire est apprécié par l'hémogramme. En dehors de toute insuffisance médullaire, une anémie ou une thrombopénie peuvent traduire un hypersplénisme, ou une auto-immunité.
3- BILAN IMMUNOLOGIQUE :
La recherche d'une auto-immunité doit comprendre au minimum
3.1- un temps de Quick et un TCA pour détecter un éventuel anticoagulant circulant.
3.2- En cas de thrombopénie, un nombre important de mégacaryocytes au myélogramme et la présence d'auto anticorps antiplaquettes témoignent d'une destruction immunologique des plaquettes.
3.3- En cas d'anémie, l'élévation du taux de bilirubine libre et l'effondrement du taux l'haptoglobine traduisent une hémolyse dont la nature auto-immune est confirmée par le test de Coombs direct (6 % des cas au diagnostic). L'hémolysine est une IgG dans 50 % des cas, une IgM dans 25 % des cas, parfois de type agglutinine froide.
3.4-Le protidogramme doit rechercher une hypogammaglobulinémie (moins de 7 g/L), présente dans 30 à 70 % des cas de LLC, et qui favorise la survenue d'infections à germes encapsulés. Il peut montrer un pic dysglobulinémique dans 5 à 10 % des cas, identifié comme une prolifération monoclonale IgG ou IgM, rarement IgA par l'immunoélectrophorèse.
3.5-D'autres manifestations dysimmunitaires (présence de facteur rhumatoïde, d'anticorps anti-muscle lisse, anti-DNA etc...), ou divers déficits de l'immunité cellulaire peuvent être retrouvés, mais ne doivent pas être de recherche systématique.
VI)- FACTEURS PRONOSTIQUES.
Tableau 1 : CLASSIFICATION DE BINET
STADE |
FREQUENCE |
TAUX Hb |
TAUX PLAQUETTE |
Nbre TERRITOIRES GANGLIONNAIRES |
Survie |
A |
60% |
≥ 10 |
≥ 100 000 |
< 3 TG |
12 ans |
B |
30% |
≥ 10 |
≥ 100 000 |
≥ 3 TG |
> 07 ans |
C |
10% |
< 10 |
< 100 000 |
Quelque soit Nbre |
> 04 ans |
VII)-L'EVOLUTION
VIII)-TRAITEMENT.
Les indications thérapeutiques s'appuient sur la classification de Binet.
-L'abstention thérapeutique.
-L'évolution est en général lente et la médiane de survie est identique à celle de la population générale de même âge. Bien qu'un traitement précoce par chlorambucil (Chloraminophène*) soit efficace sur l'hyperlymphocytose, il induit des résistances au traitement ultérieur et diminue les chances de contrôler la maladie lorsque survient la progression. Une augmentation de la fréquence des cancers a été observée chez les patients traités par chlorambucil.
-Sont traités de la même manière. La polychimiothérapie de type CHOP ou par la fludarabine.
-Le protocole CHOP : est le traitement de première ligne de référence ;
-En cas de résistance, de rechute après CHOP ou en cas de contre-indication cardiaque aux anthracyclines (adriamycine), le traitement de seconde ligne est la fludarabine.
-La fludarabine est un analogue de l'adénine qui inhibe l'adénosine désaminase.
- Le pronostic des patients au stade C a été amélioré par la polychimiothérapie de type CHOP. La médiane de survie est ainsi passée grâce au CHOP à 4 ans, contre 18 mois avec chlorambucil.
- La médiane de survie des stades B est de 70 mois.
IX)-BIBLIOGRAPHIE :